Exposition temporaire “PIERRES SECRÈTES – Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau”

Exposition temporaire “PIERRES SECRÈTES – Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau” Musée départemental de Préhistoire d’Île-de-france

 

Samedi 13 mai, 20h00, Exposition temporaire “PIERRES SECRÈTES - Mythologie préceltique en Forêt de Fontainebleau” Musée départemental de Préhistoire d'Île-de-france, 48 avenue Étienne Dailly 77140 Nemours Nemours, 77140 Seine-et-Marne, Nuit européenne des musées 2023

 

Voila une exposition qui me tarde de découvrir !

Je vous présente ma petite analyse de ces "pierres secrètes" que je traque depuis cinq ans.

 

Etant jeune, mes parents nous emmenaient en promenades puis en randonnées en forêt de Fontainebleau, surtout dans le massif des trois pignons : Ce fut la découverte d’un milieu incroyable.

Nous avions à la maison deux livres, que je possède toujours, « Le massif de Fontainebleau » de J. Loiseau, l’édition de 1970 ! C’est en les lisant que j’ai découvert l’existence de roches gravées pouvant datées de la préhistoire. Adolescent et muni de mon vélo, je suis parti à la découverte du Mont des Ancêtres, à Coquibu, comme l’on nommait le site à l’époque. Après recherches, trouver les auvents souvent cachés était une véritable récompense : La beauté de la forêt conjuguée à la splendeur et aux mystères des gravures. A la fin des années 1980, l’aventure continue avec ma femme, j’ai pris quelques photographies des abris ornés trouvés lors de nos balades…                                                                                                                                          

J’ai aussi découvert l’association du GERSAR au cours de différentes expositions et acheté beaucoup de leurs publications. A ce jour, je pense avoir eu la chance d’avoir visité les plus beaux abris de notre forêt. J’emploie volontairement le terme « visité » car pour moi ses lieux sont chargés d’histoires au moins autant qu’un château ou une église que l’on visite !

 

En 2015, lors d’une randonnée je repère un abri avec des gravures plus fines qu’à l’accoutumé mais sans y porter plus d’attention que cela…

     

2017, visite de l’exposition « Mémoire Rupestre » au musée de Préhistoire d’Île-de-France à Nemours. Je découvre une dalle gravée nouvellement trouvée. Elle est d’une finesse incroyable et ne ressemble en rien avec tout ce que j’ai vu jusqu’à maintenant. Une nouvelle quête connue sous le nom de rocher gravé du xxxx : Ma femme à la chance incroyable de la trouvée. Voire cette dalle de nos propres yeux, c’est extraordinaire, elle est encore plus belle en vrai !                         

 

Courant d’année 2018, un ami me parle de nouvelles découvertes faites en forêt : Un nouveau style de gravures, très fines, de petites tailles et cachées souvent au ras du sol. Il me faudra beaucoup de temps avant de découvrir ces fameuses gravures. De plus, la COVID a fait son apparition, et mes recherches sont interrompues pour presque deux ans. Je repars à l’aventure sur de nouvelles bases. Mes recherches s’affinent pour finalement tomber sur ma première gravure . Quelques traits isolés mais fins comme sur la fameuse dalle du xxxx. Ayant compris la manière dont étaient faites les gravures, le positionnement dans la roche, la finesse des dessins etc., j’ai trouvé de plus en plus de ces gravures. Quelques-unes étant de simples sillons, d’autres des merveilles….                                                  

 

Comment ne pas s’extasier devant ces représentations hautement symboliques !

Au centre, une forme anthropomorphe, animalière ? Probablement mâle. Entouré de symboles divers. Des croix, des triangles certains « quadrillés », une forme en échelle, des carrés, des cupules, des soleils ? Aussi des hommes bien identifiés mais de taille réduite par rapport à l’ensemble de la composition. Ces symboles se retrouvent sur de nombreuses gravures.

Alors comment interpréter ces dessins ?

« Les gravures de style XXX peuvent être considérées comme des représentations symboliques de constructions mythologiques adoptées ou élaborées par la population dans son ensemble ou quelques-uns de ses représentants. Ces symboles vraisemblablement liés à des mythes cosmogoniques pourraient, dans le cas de certaines compositions au moins, se rapporter à ces récits dont la transmission orale aurait été accompagnée d’un report sur la pierre de signes évocateurs apparaissant sous la forme d’une représentation codifiée. »

Indiquait Daniel Simonin du Musée de Préhistoire d’Île-de-France en 2018.

(Daniel Simonin, « Fontainebleau – Forêt domaniale de Fontainebleau (secteur sud) : inventaire et étude d’un ensemble de gravures rupestres protohistoriques » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Île-de-France, mis en ligne le 26 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/111382)

 

Personnellement, j’ai trouvé une analogie forte avec les dessins des tambours Samis. Les Samis sont un peuple autochtone d'une zone qui couvre le nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande ainsi que la péninsule de Kola en Russie connue sous le nom de Laponie. Leur endonyme, Saami dans leur propre langue, est également parfois écrit « Sámi », « Sames », « Samés » ou encore «Sâmes».                                                                 

La religion des Saami relevait essentiellement du chamanisme.

Le tambour jouait un rôle majeur dans la société chamanique préhistorique et avait deux fonctions. Pour le chaman sami (le noaidi), c'était un instrument qui l'aidait à entrer en transe pendant laquelle son esprit pouvait voyager dans d'autres mondes, dans le monde des dieux ou encore dans d'autres endroits. Les motifs sur un tambour reflètent la vision du monde (Weltanschauung) du propriétaire et de sa famille, à la fois en termes de croyances religieuses et de modes de subsistance. Un monde fictif est représenté par des images de rennes, à la fois domestiques et sauvages, et de prédateurs carnivores qui constituent une menace pour le troupeau. Les modes de subsistance sont présentés par des scènes de chasse, des bateaux avec des filets de pêche et de l'élevage de rennes. Les paysages supplémentaires sur le tambour se composent de montagnes, de lacs, de personnes, de divinités, ainsi que des campements avec des tentes et des lieux de stockage.

Ce monde dans lequel vivaient les Samis était donc peuplé de forces de la nature et de divinités qui surpassaient les hommes et dont il fallait obtenir les bonnes grâces par des rituels et des sacrifices. Il était également habité par d’autres êtres, vivants les uns des autres. Les hommes se caractérisaient, dans ce concert de la vie, par leur langage et leurs artifices : tambour, arc, hutte, bateau, filet, niche à provision… Mais ils participaient du même monde et dépendaient de lui tout autant que les autres. Si toutes ces entités se distinguaient par leurs formes, certaines disposaient, comme les hommes, d’un esprit qu’il s’agissait d’apaiser pour vivre en bonne intelligence.

(https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_samie)

https://www.penserletravailautrement.fr/mf/2020/12/le-tambour-chamanique-sami.html)

 

A Fontainebleau, si une croyance (une religion) il y eu, l’instrument de prédilection fut probablement le sistre. Il est notable que ce n’est jamais un homme « simple » qui tient l’instrument, mais un personnage à la tête triangulaire coiffée (un chaman, un dieu ?).  Le sistre, lorsqu'on le secoue promptement et sèchement, incite à la danse. La scansion au sistre, à l'instar du tambourin, est associée aux cérémonies religieuses accompagnées de transes et de transports extatiques. Le sistre (du latin sistrum, lui-même issu du grec σεῖστρον / seistron) est un instrument de musique de la famille des percussions constitué d'un cadre dans lequel sont enfilées des coques de fruits, des coquilles ou des rondelles métalliques qui s'entrechoquent.

Dans les représentations de l'Antiquité, il consiste en une poignée soutenant un arc de bronze ou de laiton, large de dix à trente centimètres, traversé de tringles mobiles ou supportant des anneaux. Lorsqu'on secoue l'instrument, les petits anneaux ou bagues de métal fin enfilées sur les tringles peuvent tinter en s'entrechoquant.

                                                              

On notera, par ailleurs, la ressemblance particulièrement frappante entre les attributs brandis par certaines créatures et le sistre en bronze mis au jour anciennement dans le sud-ouest de l’Allemagne à Hochborn en Rhénanie Palatinat (Schaaf 1984;  Egg, Pare 1995). La datation à retenir pour le sistre de Hochborn le place au Bronze final et potentiellement dans la même fourchette chronologique que les céramiques portant des signes comparables à ceux qui figurent sur les rochers de Fontainebleau.

(https://aprab.org/bulletins/APRAB_bulletin_15.pdf)

(https://fr.wikipedia.org/wiki/Sistre)

 

Il faut noter que si l’on retrouve des instruments de musique sur certaines gravures, je n’ai jamais vu d’armes, poignard, épée, bouclier ! Ni aucune scène de chasse, même si de nombreux animaux sont visibles : Cervidés, serpents, lézard…

                    

Parmi les données à prendre en compte, se trouve une composition très particulière observée à plusieurs reprises. Celle-ci consiste en un personnage surmontant un triangle compartimenté en bandes et recoupé à son extrémité par une ligne horizontale, elle-même complétée par deux figures triangulaires latérales plus petites.

 Cette configuration évoque très clairement les représentations d’attelages tirant un travois ou un chariot, tels qu’on les trouve au mont Bego sur la commune de Tende, dans les Alpes-Maritimes (Pellegrini 2005; Saulieu, Serres 2006;  Lumley, Echassoux 2011, p. 282-283). Les grands triangles sont, à Fontainebleau, munis de traverses, à l’image des véhicules du secteur de «Fontanalba « au mont Bego, pour lesquels les rapprochements qui s’imposent avec le travois néolithique de «Chalain « à Fontenu (Jura) ont été mis en évidence (Pétrequin P. et al. 2006;  Pétrequin P., Pétrequin A.-M., Bailly 2006). Il faut préciser que ces comparaisons effectuées avec les gravures du mont Bego n’ont pas pour objet de dater précisément les gravures de style XXX, mais simplement d’argumenter en faveur de l’hypothèse selon laquelle les compositions observées représentent des attelages. Ces premières constatations contribuent seulement à situer les gravures XXX dans une ambiance protohistorique au sens large.

(https://aprab.org/bulletins/APRAB_bulletin_15.pdf)

 

Une autre composition particulière observée sur les panneaux à forte valeur symbolique :  Une créature principalement avec une tête en palette triangulaire, des mains tridactyles mais dénuée de jambes, le corps filiforme se terminant principalement par un triangle. Cet anthropomorphe est entouré bien souvent de serpentiformes et ou de cervidés.

Je vois dans ces gravures un hymne à la vie, le symbole fort de la fertilité et de la fécondité. En effet, ses créatures pourraient représenter un corps « divin » venant à la vie. Le triangle représentant symboliquement le sexe de la femme et le fil reliant le corps, le cordon ombilical.

            

De l'Egypte ancienne aux civilisations amérindiennes, de la Chine ancienne à l'Europe méditerranéenne, le serpent est une divinité, un symbole de fertilité, de renaissance, de désir ou de sexualité. Loin d'être maudit par nos lointains ancêtres, il leur parut au contraire digne de vénération. Chez les Egyptiens, le naja dressé, Uraeus, portant un disque solaire sur la tête, était l'emblème du pharaon. Les Grecs élevaient des serpents pour leur pouvoir curatif supposé dans les temples d'Asclépios : à Epidaure, où l'on venait chercher la guérison, des serpents non venimeux se promenaient en toute liberté. Attribut d'Esculape, le dieu de la médecine chez les Romains, le serpent, en changeant de peau, semble renaître.  Le Caducée, l'insigne de héraut, est l'attribut de Mercure ; sa forme traditionnelle représente la dualité (les deux sinusoïdes symbolisées par des serpents en opposition de phase). L'équilibre entre les deux forces opposées produit la voie du juste milieu correspondant à l'axe vertical.

Le cerf jouit d'une image très positive, héritée de la Bible et des auteurs antiques : il symbolise la prudence, il dévore des serpents pour reprendre des forces. Il devient l'image de Jésus, vainqueur du démon : saint Hubert reconnaît en lui le signe du Christ. Lors de la christianisation de l'Europe, les prêtres missionnaires utilisèrent la force métaphorique du cerf pour se faire entendre des païens. C'était une preuve de l'existence de dieu : son trophée, qui tombe chaque année pour repousser encore plus fort, illustrait la vie éternelle; les bois évoquaient la croix portée par le Christ, alors que la ramure à dix cors représentait les Dix Commandements. Il est aussi le symbole du médiateur.

Un signe net de l'importance du cerf dans la symbolique celtique est la fréquence relative de son apparition dans l'iconographie ou la légende. Une divinité gauloise porte le nom de Cernunnos, celui qui a le sommet du crâne comme un cerf. Elle est représentée sur le chaudron d'argent de Gundestrup, assise dans la posture bouddhique, tenant d'une main un torque et de l'autre un serpent, entourée d'animaux les plus divers, et notamment d'un cerf et d'un serpent : peut-être faut-il voir dans ces bois de cerf surmontant la tête du dieu un rayonnement de lumière céleste.

(https://archeographe.net/)

 

On peut, peut-être voire en ces pétroglyphes comme une incantation : La vie, de la naissance à la mort serait régie par des dieux anthropomorphes dont l’interlocuteur sur terre serait ce chamane munit de son bâton terminé par un sistre.

 

Dans le chamanisme, il y a une forme de distribution du travail : le chamane est un expert de l’invisible. Les gens reconnaissent en lui un talent supérieur à eux, ils lui délèguent un certain nombre d’opérations de la vie quotidienne, dans les relations des hommes à leur environnement. On a trois éléments dans le chamanisme : un expert (le chamane), des gens non experts reconnaissant l’expert (les profanes) et un tiers, l’invisible, les esprits. Il faut ces trois éléments pour parler de chamanisme. 

Charles Stépanoff

 

Les gravures retrouvées sont à plus de 90% cachées, voire très difficiles à trouver. Il n’y a aucune ostentation de la part des graveurs. Souvent proche du sol, un lien à la terre, à la fertilité en rapport avec les représentations précédentes… Mais pourquoi une telle représentation au cœur de la forêt de Fontainebleau sablonneuse et peu enclin à l’agriculture ? Il n’y a pas de source en forêt, et la Seine ou le Loing sont à près d’un kilomètre des premières gravures retrouvées. C’est peut-être pour cela que s’est créé une zone « sanctuarisée », sèche et déserte, relativement proche des vallées fertiles.

 

Attention, je ne suis ni archéologue, ni historien, seulement passionné et très intéressé par les gravures du massif de Fontainebleau. Je donne juste mon ressentiment sur les ces gravures.

 

Dans l’ensemble les gravures sont d’une très grande finesse, profondes et nécessitaient probablement un outil métallique pour leur réalisation.                               

Certaines difficiles à appréhender dans leur ensemble mais surtout excessivement délicates à réaliser vu l’exiguïté des espaces.

J’ai essayé de graver sur des blocs isolés en reproduisant le style HMM. D’une part, tous les grès ne se prêtent pas à la gravure : Trop dur, ou trop friable. Et quand le grès se laisse graver, l’outil métallique s’use très vite.

Ce qui conforterait la valeur de la gravure. Le graveur, l’artiste, le chamane, appelons-le comme il nous plaira, est prêt à sacrifier des lames pour effectuer son art.  

 

Des anthropomorphes à têtes de cerf, des serpents, des chamanes... Il se pourrait que nous assistions  en forêt de Fontainebleau à la naissance des futures divinités gauloises !          

 

 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.

Créez votre propre site internet avec Webador