Hólavallagarður, cimetière de Reykjavik

Lorsque vous faites une halte au lac Tjörnin, n'hésitez pas à monter jusqu'à ce cimetière de Reykjavik (aussi appelé Hólavallagarður, traduit en « Jardin sur une colline »).

Le cimetière existe depuis 1838. C’est un lieu très agréable à visiter, souvent mentionné comme l’un des plus beaux cimetières d’Europe.

Il existe une tradition islandaise selon laquelle la première personne enterrée dans un cimetière en est le gardien et protégera tous les morts qui viendront après. Le tuteur de Holavallagarour est Guðrún Oddsdóttir, décédé en 1838, l'année de l'ouverture du cimetière. 

Passé un petit portail en fer, on se retrouve sur une petite allée de terre qui rapidement se divise pour former plusieurs petites allées qui se croisent de manière perpendiculaire. Les tombes sont alignées et organisées autour de ces allées. L’endroit est verdoyant et on y retrouve de très nombreux arbres, détail banal mais qui pourtant n’est pas une chose courante ici en Islande. Il semblerait que ces arbres n’existaient pas avant la seconde guerre mondiale et qu’ils aient été planté au fur et à mesure à partir de cette date. Aujourd’hui ils semblent faire partie intégrante du paysage et donnent même toute l’âme au lieux. Croix et garde-corps en fer marquent le jardin, car c'est l'un des rares cimetières d'Europe ou ils n'ont pas été démantelé et fondu pour la production de munitions pendant les guerres du XXe siècle. 

À Reykjavik, dans le cimetière, une plaque commémorative trône dans le carré réservé aux marins français disparus en mer. Elle est tirée du dernier chapitre du roman de Pierre Loti, Pêcheur d’Islande. D’un côté elle est dans la langue d’origine, de l’autre dans la traduction islandaise de Pall Sveinsson. Sur la plaquette inférieure, il est dit, en français ainsi qu’en islandais : Cette stèle a été érigée aux marins français par les Islandais en témoignage d’amitié et d’estime pour la France.

Personne ne sait comment le gouvernement islandais a eu l’illumination en 1953 d’ériger un monument au terrain français dans le cimetière de Holavellir. Ce coup de foudre culturel était tellement intègre qu’on n’a même pas cherché à mendier de l’argent du public pour l’entreprise. Et il y avait une autre merveille non moins surprenante, celle qu’on s’est tourné vers les meilleures personnes pour faire ce monument, c’est-à-dire la marbrerie de Magnus Geir Gudnason et ses fils.

Arsœll, un des fils de Magnus, avait appris de son père à façonner la pierre et était marbrier diplômé en 1932. Il a ensuite fait des études de marbrerie en Allemagne où il s’est familiarisé avec des techniques nouvelles en marbrerie qu’il a rapportées avec lui en Islande, avec une scie de pierres et une machine pour polir les roches. Et sûrement Arsœll a également connu les monuments modernes, où le matériau, la forme et la taille remplacent les représentations anciennes et symboliques. Et c’est justement dans cet esprit que lui et Knutur R. Magnusson, son frère, ont entamé le travail du monument des marins français. Ils ont pris la pierre elle-même, une grande roche, dans une mine au-dessus de la route de Sudurlandsbraut, en coupant ses côtés sans défigurer la forme fondamentale. Peu de temps plus tôt Arsœll avait acquis une sableuse et il fut décidé de s’en servir pour le lettrage, avec des lettres saillantes sur une base assez profonde. L’inscription elle-même préexistait, bien sûr, mais la police de caractères a été conçue par eux et on peut affirmer sans hésitation qu’elle s’accorde parfaitement au projet. Bien que la police soit en bonne harmonie, une sorte de style typographique linéal épais, elle est non-standard et libre, et comme dans les inscriptions anciennes, on se sert de croix pour le remplissage des lignes. Sur l’un des côtés sans inscription un grand signe de la croix a été gravé.

Transporter cette grande stèle dans le cimetière étroit, l’ériger et l’implanter durablement dans la terre a coûté un grand effort, et ce travail terminé, la stèle a été entourée d’un pavé composé de grandes dalles irrégulières de basalte. Lors de la fête nationale française, le 14 juillet 1954, le bureau du Premier ministre annonce à la direction du cimetière que la stèle a été érigée et le pavé posé. Le terrain avait alors été aplani de sorte que les sépultures individuelles n’étaient plus visibles.

Visité en 2023.

 

43V2+RRG, Suðurgata, 101 Reykjavík, Islande

Accès libre

 

Sources:

https://www.petitfute.com/v51569-reykjavik/c1173-visites-points-d-interet/c933-cimetiere-memorial/c934-cimetiere/250742-cimetiere-de-sudurgata.html

https://emmabworldphotography.wordpress.com/2016/07/18/decouvrir-le-cimetiere-holavallagardur/

https://www.atlasobscura.com/places/holavallagardur

https://www.toutelislande.fr/PecheursBretonsIslande

https://is.ambafrance.org/Les-tombes-des-marins-francais-a-l-ancien-cimetiere-a-Reykjavik

A la fin de la « pêche à Islande », il est estimé que 120 goélettes ont fait naufrage ou ont coulé, et environ 2000 marins sont décédés. Ces conditions précaires seront peu à peu améliorées. Il faudra quand même du temps (et des décisions gouvernementales) aux armateurs pour équiper les bateaux de canots de sauvetage, de bouées et de de ceintures. Mais tous ne le feront pas, au détriment des matelots à bord. 

Dans les Fjords de l’Est, la petite ville de Fäskrusfjordur accueillait les marins-pêcheurs bretons. Le port servait de base aux français. D'ailleurs, Fäskrusfjordur signifie la baie des Français.

 

Le poète Gudmundur Gudmundsson (1874-1919) a fait un poème intitulé « Marin français », (ici en traduction verbatim française) :

À l’ouest, dans le jardin de Reykjavik,
on voit maint sépulcre merveilleux :
Imposants sur les tombeaux,
des stèles, inscrites en or.

Tout à l’ouest dans le jardin de Reykjavik
Il y a un lieu que j’aime le plus tendrement.
Là se trouvent les tombes les plus basses
Les sépultures les moins en œil.

D’innombrables on y voit
De simples croix en bois.
Écrit sur tous
Simplement : Marin français.

Il y règne un tel calme et sainteté,
Qu’il me semble sacrilège
De marcher en souliers dans le jardin
Consacré à ces hôtes -

 à des hommes solitaires étrangers
Loin de leurs terroirs.
La dernière berceuse leur fut chantée
Par le glacial vent du nord.

Jamais seule le soir,
Une demoiselle amble par là,
Là personne n’a posé
Une seule rose d’adieu.

Cependant on croit sentir des nuées d’odeur
En arrivant dans ce terrain.
La brise du soir chante silencieusement
un requiem sur eux.

Humblement je me découvre le chef
Et je m’incline spontanément -
À la distance l’angélus sonne. -
 Adieu, marin français !

 

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