L'orgue de la cathédrale de Strasbourg

Accroché en nid d'hirondelle au côté nord de la nef, l'orgue de la cathédrale de Strasbourg, au décor bleu, vert, rouge et or, attire tous les regards des visiteurs. En réalité, cet ensemble parfait est le fruit d'une longue histoire et, à le bien regarder, on y trouve une étonnante synthèse d'éléments très disparates mais magnifiquement mêlés.

La présence d'un orgue à la cathédrale de Strasbourg est attestée dès 1260. Il y eut aussi deux autres instruments construits et remodelés soit en 1292 et 1327. Mais les parties les plus anciennes du buffet actuel ne sont pas antérieures à 1385. La tribune en nid d'hirondelle date de cette époque. Elle est construite en sapin et est suspendue au mur par une énorme poutre de chêne verticale jusqu'à la statue de Samson chevauchant le lion. À droite, le personnage articulé représentant un vendeur de bretzels était le célèbre Rohraffe (singe braillard) qui, du bras et de la tête, ponctuait les invectives lancées par un valet de la cathédrale caché dans la tribune lors de la procession de la Pentecôte. Le bras droit du héraut de la ville (à gauche) et la gueule du lion sont également mobiles. les Rohraff, étaient manipulés par l’organiste, afin de maintenir la foule éveillée lors des longs sermons, et notamment en injuriant le prêcheur. On raconte que le prestigieux prêcheur de la cathédraleJean Geiler de Kaysersberg — dont les os reposèrent un temps sous la chaire — en perdit son sang-froid, jaloux de l’attention que recevaient les grossiers pantins.

En 1434, l'ensemble fut renouvelé, mais c'est en 1491 que le facteur Friedrich Krebs d'Ansbach réalisa l'essentiel de la boiserie avec ses deux buffets, ses bois découpés et, à cette époque, de grands volets peints pour protéger la tuyauterie. Ces volets devaient s'apparenter au retable d'Issenheim qui fait la gloire du musée de Colmar. Plusieurs facteurs modernisèrent la partie instrumentale sans toucher au buffet: Hans Süss de Cologne en 1511, Sigmund Peistle de Fribourg-en-Brisgau en 1564, Anton Neuknecht en 1608 et Matthias Tretzscher en 1658-60. De 1713 à 1716, la partie instrumentale fut entièrement reconstruite par Andreas Silbermann qui en fit un orgue de 39 jeux sur 3 claviers et pédalier. Silbermann aurait voulu construire un buffet neuf, mais des dépenses imprévues pour la réparation des toitures, suite à une tempête, l'obligèrent à conserver le buffet gothique, en remplaçant toutefois les volets peints par des ailes et en changeant les claires-voies des plates-faces du grand-orgue. Son décor d'acanthes s'harmonise d'ailleurs fort bien avec les feuillages gothiques. Quant à la polychromie, elle fut recrée en 1840.

L'instrument a ensuite subi le sort de la plupart des orgues de cathédrale, victime d'un acharnement thérapeutique qui le laissa exsangue. On note les interventions de Georges Wegmann en 1833 et 1842, de Charles Wetzel en 1873, de Heinrich Koulen en 1897. Cette restauration est qualifiée de « massacre » par les experts de l’époque. L'orgue est démonté en 1908 et réquisitionné pour ses parties métalliques en 1917. En 1927, Roethinger procède à une restauration qui est en fait la reconstruction totale de l'orgue. Après toutes ces interventions, il ne reste que très peu de chose de la tuyauterie de Silbermann: les tuyaux de façade et quelques rares tuyaux intérieurs, oubliés par les démolisseurs.

Sur la base de ce reliquat ancien, Alfred Kern de Strasbourg construisit en 1981 un orgue neuf de 47 jeux sur 3 claviers et pédalier, un instrument plein de qualités mais qui ne peut plus être qualifié d'historique. Cet instrument incorpore le matériel ancien dans les vieux buffets polychromes restaurés avec un soin parfait. Il constitue un ensemble à l'esthétique de Silbermann, au XVIIIè siècle, synthèse totale des styles baroques français et allemand.

Visité en 2023

 

Place de la Cathédrale, 67000 Strasbourg

 

Sources:

https://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/strasbourgcnd.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_de_Strasbourg

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