Conférence sur les "sociétés mésolithiques et gravures rupestres dans le sud de l'Ile-de-France" à Larchant

Samedi 24 février 2024 eu lieu à Larchant en Seine-et-Marne une conférence sur les "sociétés mésolithiques et gravures rupestres dans le sud de l'Ile-de-France (Xe-VIe millénaire avant notre ère): Apport des recherches récentes."

Il a s’agissait de faire le point sur l’actualité des recherches archéologiques sur le site de Larchant, nous accueillons de nouveau nos deux archéologues Alexandre Cantin et Colas Guéret. Au cours de cette nouvelle conférence, ils recontextualiseront les travaux de fouille de la Grotte à la peinture en élargissant leur propos à l’art rupestre identifié dans les nombreuses cavités situées dans les chaos gréseux du sud de l’Ile de France. Occasion d’apporter des informations précises et inédites sur les sociétés des chasseurs-cueilleurs nomades du Mésolithique. 

 

Colas Guéret nous présentera une première partie consacrée à la période trop méconnue (jusqu'à aujourd'hui ) du mésolithique!

Au Mésolithique, les successeurs des hommes du Paléolithique s’adaptent au brusque réchauffement climatique du début de notre actuelle période interglaciaire (vers - 9600). Ils conservent néanmoins un mode de vie basé sur la chasse, la pêche et la cueillette, qui s’achève avec l’arrivée des agriculteurs-éleveurs du Néolithique, autour de - 6000 en France.

Le Mésolithique est caractérisé par un certain nombre de changements comportementaux des groupes humains. Si certains de ces changements (réduction des territoires de chasse, développement de l'arc…) paraissent fortement liés aux modifications du milieu dus au réchauffement climatique post-glaciaire (reconquête forestière, disparition des grands herbivores migrateurs des steppes tels que le mammouth et le renne au profit des herbivores forestiers tels le cerf, sanglier, chevreuil ou du petit gibier), d'autres (bouleversements dans les représentations artistiques et symboliques, microlithisation et géométrisation des outils…) semblent liés aux dynamiques internes d'évolution des groupes humains.

 

Colas Gueret:

Mes recherches portent sur les sociétés mésolithiques de l’Ouest de l’Europe (nord de la France, Belgique) et du Bassin Méditerranéen (Italie, Algérie). Grâce à une approche intégrant tracéologie et technologie, mes recherches s’attachent à comprendre la variabilité fonctionnelle de l’outillage lithique, qu’elle soit liée à la fonction des sites et la mobilité des groupes ou bien à une évidente diversité culturelle, chronologique et géographique. Mes travaux interrogent notamment l’importance de l’outillage non retouché au début de l’Holocène et le rôle occupé par l’économie des matières végétales dans l’émergence des systèmes techniques mésolithiques.

Depuis quelques années, je m’implique également dans l’étude des contextes archéologiques associés à l’Art Rupestre de Fontainebleau. Dans ce cadre, je codirige (avec A. Cantin) la reprise de fouille programmée du site des Dégoutants à Ratard à Larchant ((dite Grotte à la Peinture, Seine-et-Marne) dans l’objectif de préciser la datation de ce phénomène symbolique mésolithique et de comprendre la relation entre pratiques rupestres et activités quotidiennes.


Alexandre Cantin, doctorant dont la thèse porte sur  les« Rites rupestres mésolithiques dans les grès de Fontainebleau : étude spatiale d’un territoire symbolique du VIIIe millénaire BCE» dévelopera sur "l'art mésolithique" et les gravures rupestres présentes dans le massif de Fontainebleau.

Un phénomène rupestre singulier, unique à l’échelle de l’Europe, est identifié depuis la fin du XIXe siècle dans les formations gréseuses du centre du Bassin Parisien entre Nemours (77) et Rambouillet (78) (Bénard, 2014). Regroupé sous la dénomination d’« art rupestre de Fontainebleau », il couvre un espace d’au moins 1500 km² correspondant à la zone d’affleurement des sables de Fontainebleau au sein desquels du grès s’est formé. Aujourd’hui à l’état de chaos de blocs d’âge quaternaire sur versants de vallées ou buttes sableuses, ces formations gréseuses offrent des milliers de petites cavités dont plus de 2000 sont porteuses de gravures non-figuratives composées de sillons rectilignes accumulés. Ces sillons sont majoritairement disposés en séries parallèles ou en quadrillages (Tassé, 1982), signes longtemps présumés préhistoriques. Or une reprise récente des données archéologiques confirme une pratique rupestre intense durant le premier Mésolithique, en particulier au VIIIe millénaire BCE (Guéret et Bénard, 2017) en plus d’autres témoignages s’échelonnant depuis l’époque de Lascaux jusqu’à l’actuel. Cet espace du Bassin parisien constituerait donc un vaste « territoire symbolique » (Honoré et al., 2019) durant la chronozone du Boréal dont l’étude détaillée reste à faire. Portées pendant près de 40 ans par une association d’archéologues amateurs œuvrant à l’inventaire des sites (GERSAR), les recherches bénéficient d’un nouvel engouement, structuré notamment autour d’un programme collectif du ministère de la Culture (ARBap ; coord. B. Valentin). C’est dans cette dynamique que s’inscrivent nos recherches depuis la première année de Master.

Dans ce cadre, notre objectif est d’explorer enfin la dimension spatiale de ces témoignages rupestres dans le but de mieux comprendre l’organisation de ce territoire symbolique mésolithique. Encore récemment, la répartition des cavités gravées dans les chaos gréseux était supposée aléatoire faute de lois récurrentes immédiatement perceptibles. Cette hypothèse n’a cependant jamais été vérifiée à l’aide des outils désormais incontournables de l’archéologie spatiale. Pour cela, nous mènerons pour notre thèse cette approche spatiale des cavités gravées et de leurs signes grâce à la construction d’un système d’informations géographiques (SIG Géo-ARBap) qui profitera conjointement des données de la carte archéologique et d’un vaste modèle numérique de terrain obtenu récemment par LIDAR afin de documenter la topographie complexe de ces environnements singuliers. Des recherches de terrain collaboratives sont également prévues pour enrichir les axes de recherches que nous décrirons ci-dessous. Ce travail s’appuiera en outre sur l’analyse du matériau gravé, le grès des cavités, connaissance que nous avons en grande partie acquise en Master grâce à une approche expérimentale et archéométrique de sa « gravabilité » en objectivant sa dureté. Notre premier axe de recherche concerne toute l’étendue de ces manifestations symboliques et consiste en une typologie affinée des signes gravés afin d’écarter, autant que possible et par divers recoupements, ceux des périodes autres que le Mésolithique. Ainsi pourra-t-on vérifier s’il existe une répartition spatiale particulière des gravures attribuables aux derniers chasseurs. On cherchera ensuite si, au sein de cette répartition générale, il existe de plus petits regroupements différenciés et structurés qui pourraient correspondre à plusieurs entités distinctes dans cette vaste zone. En parallèle, on s’intéressera aux biais taphonomiques qui peuvent altérer la distribution des cavités gravées, en particulier aux nombreuses destructions occasionnées par les carrières de grès d’âge historique dont la cartographie sera entreprise.

Au terme de cette approche d’échelle régionale, des secteurs-tests parmi les mieux conservés et les plus denses en cavités gravées se prêteront à une analyse à plus petite focale concernant les choix précis des lieux de gravure. En effet, les cavités gravées voisinent généralement avec un grand nombre qui ne le sont pas. Nous examinerons dans ces secteurs préservés (par exemple cirque de Larchant (77) ou bien haute vallée de l’Essonne (91) si la répartition des sites renvoie à des contraintes naturelles de gravabilité différentielle du grès où à d’autres choix plus culturels (par exemple topographiques).

Enfin, le croisement des données rupestres et archéologiques relatives aux diverses occupations mésolithiques directement associées aux sites gravés permettra d’étudier la relation entre ces pratiques symboliques et la vie quotidienne des derniers chasseurs. D’ores-et-déjà, les fouilles de quelques grandes cavités démontrent que des activités domestiques ont pu être réalisées en plus de la gravure de leurs parois. On s’interrogera aussi sur la présence d’habitats de plein air à proximité des concentrations de sites gravés.

En somme, l’approche multiscalaire proposée permettra de réviser une somme très importante d’observations récoltées depuis les années 1970 et de replacer enfin ce phénomène rupestre dans le contexte des particularités socio-économiques du VIIIe millénaire avant notre ère. Nous pensons particulièrement à son intégration aux débats concernant la plus grande démographie et sédentarité des groupes humains durant le Mésolithique moyen. Son articulation avec l’autre centre de pratiques rupestres possiblement contemporain du Tardenois dans l’Aisne (02) et, plus généralement, avec les différentes composantes culturelles du techno-complexe Beuronien devront aussi être abordées.

Enfin le mésolithique trop méconnu du grand publique (et peut-être de l'archéologie française) prend sa place dans l'histoire, jusqu'à maintenant coincé, ignoré entre le paléolithique et le néolithique ! Une conférence passionnante menée par deux archéologues captivants.

 

Salle de la Sablonière

1 rue de la cave de Chatenoy

77760 Larchant

 

 

Sources:

https://www.facebook.com/larchant.animation

https://umrtemps.cnrs.fr/membre/gueret-colas/

https://www.inrap.fr/le-mesolithique-10205

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9solithique

http://www.arscan.fr/ethnologie-prehistorique/alexandre-cantin/

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