Le monde médiéval était-il aussi sombre que l'on croit ? Des flammes des cierges aux vitraux colorés des cathédrales, les églises étaient de véritables foyers de lumière. Lumière qui était le signe visible de la présence divine.
L'opposition fondamentale entre la lumière, assimilée à la vie, et les ténèbres, identifiées à l'engourdissement et à la mort, a été transposée dans le domaine culturel. Les lumières sont associées à la connaissance et les ténèbres à l'ignorance.
Mais pourquoi la plupart des édifices religieux affichent-ils, au contraire, une blancheur immaculée ? Cette disparition progressive de la couleur dans les églises résulte en grande partie d’un changement dans les pratiques liturgiques. Comme le rappelle l’historien Michel Pastoureau, spécialiste de la symbolique des couleurs, des emblèmes et de l’héraldique, « au Moyen Âge, bien avant les peintres, bien avant les teinturiers, ce sont les hommes d’Église qui pensent, qui manipulent et qui codifient la couleur » (L’Église et la couleur, 1989). La couleur est une fraction de la lumière, cette dernière étant l’expression du divin : « Dieu est lumière ! » C’est en tout cas la conviction de prélats « chromophiles », comme l’abbé Suger (1081–1151), constructeur de la basilique Saint-Denis.
A partir du XIIe siècle, plus nombreux sont ceux qui, avec St-Bernard, pensent que la couleur est matière. Les couleurs sont trop riches, donc trop séduisantes aux yeux de ces prélats et théologiens chromophobes . Elles sont trompeuses (le terme color vient de celare-cacher) et constituent un luxe inutile condamnable). Mais il existe aussi des prélats chromophiles.
Saint-Bernard est le " grand ennemi de tout ce qui brille " . Dans la couleur, il voit du mat, du sombre, un élément qui obscurcit. Il déclare la guerre aux couleurs où qu'elles se trouvent (vitraux, enluminures polychromes, orfèvrerie, pierres chatoyantes) et elles doivent être chassées des églises. Ainsi dans les églises cistersiennes, les couleurs sont absentes au XIIème siècle.
Suger a une position contraire. Pour lui l'abbatiale de Saint-Denis doit être le temple de la couleur. Ainsi, chez les Clunisiens, les églises sont bariolées. Cette position est partagée par de nombreux prélats jusqu'à l'époque de Saint-Louis.
L'Eglise possède aussi ses couleurs. Leur mise en place s'est faite entre l'époque carolingienne et le XIIIème siècle. Dès le IXème siècle, le noir, couleur de l'humilité et de la pénitence semble être devenue la couleur monastique (mais la réalité textile est différente : les tissus sont gris, bruns, blancs ou de teinte naturelle). Après le XIIème siècle, les écarts se rétrécissent entre les couleurs idéologiques et les couleurs effectivement portées.
- les Cistersiens : veulent le retour aux origines, c'est-à-dire les étoffes à bas prix, faites d'une laine non teinte (c'est-à-dire tirant vers le gris).
- Les Franciscains : appelés les " frères gris ".
- Les Dominicains : en blanc (robe) et en noir (chape), symboles de la pureté et de l'austérité. Cela correspond à la déclinaison en épaisseur des couleurs vestimentaires.
En l'église de Saint-Germain des prés, la restauration de l’exceptionnel décor pictural, verrier et mobilier du chœur des Moines, remet au jour la réalisation majestueuse de grandes figures artistiques du XIXe siècle. C'est en 1840 et sous la conduite de Victor Baltard qu'Hippolyte Flandrin réalise cet ensemble de peintures murales figuratives et ornementales, exceptionnel par son unité, son ampleur et les techniques novatrices de peinture à la cire mises en œuvre. Sur les thèmes de l’Ancien et du Nouveau Testament, il se déploie sur l’ensemble des parois de l’église.
Vu en 2024.
3 Pl. Saint-Germain des Prés, 75006 Paris
Accès libre
Sources:
https://www.lhistoire.fr/lumi%C3%A8res-du-moyen-age
https://guerriersma.com/couleur-moyen-age.html
https://www.beauxarts.com/grand-format/pourquoi-la-couleur-a-t-elle-disparu-de-nos-eglises/
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