Dialogues d'antiquités orientales, dix trésors du MET au Louvre

Le département des antiquités orientales du musée du Louvre à Paris conserve des objets provenant d'une région située entre l'actuelle Inde et la mer Méditerranée (TurquieSyrieIrakLibanIsraëlJordanieArabie saouditeIranAfghanistan… ).

Il offre un panorama presque complet des antiques civilisations du Proche et Moyen-Orient. Il s'agit d'une des trois plus importantes collections du monde (avec celles du British Museum et du musée de Pergame) avec plus de 150 000 objets. Le département présente 6 500 œuvres dans une trentaine de salles, dont des chefs-d'œuvre universels comme le Code de Hammurabi ou les impressionnants Lamassus du palais de Khorsabad..

Le Code de Hammurabi était un ensemble de 282 lois inscrites dans la pierre par le roi de Babylone Hammurabi (r. 1795-1750 av. JC) qui conquit puis régna sur l'ancienne Mésopotamie.

Les Lamassus du palais de Khorsabad sont des œuvres assyriennes monumentales en albâtre et en plâtre, de 4,40 mètres de haut, datables de 721-705 av. J.-C. environ. 

Le département des Antiquités orientales accueille dix oeuvres majeures du Department of Ancient Near Eastern Art du Metropolitan Museum of Art (The Met) de New York, actuellement fermé pour des travaux de rénovation globale. Le Louvre a ainsi pu concevoir avec le Met un dialogue inédit entre ces deux collections qui prendra place au sein des salles permanentes d’antiquités orientales. Datées entre la fin du IVème millénaire avant J.-C. et le 5ème siècle de notre ère, les oeuvres du Met, invitées exceptionnelles, introduisent des correspondances remarquables avec les collections du Louvre, soit qu’elles forment ensemble une paire réunie pour la première fois à cette occasion, soit qu’elles se complètent du fait des spécificités liées à l’histoire de chacune des deux collections. De l’Asie centrale à la Syrie en passant souvent par l’Iran et la Mésopotamie, ces dialogues de collections permettent de (re)découvrir autrement ces oeuvres plurimillénaires et les histoires dont elles témoignent.

Visité en 2024.

 

Rue de Rivoli, 75001 Paris

Accès payant


Stèle dite « d’Ushumgal et de Shara-igizi-Abzu »

Parmi les premiers documents écrits de Mésopotamie figurent des actes de vente ou de concession de terres, souvent gravés dans la pierre avec des images associées, peut-être pour être exposés au public. L'inscription sumérienne sur cette stèle relate une transaction impliquant trois champs, trois maisons et du bétail. Ushumgal, un prêtre du dieu Shara, et sa fille sont les personnages centraux de la transaction, mais en raison de l'écriture archaïque, on ne sait pas clairement si Ushumgal achète, vend ou concède ces propriétés. Les petites figures sur les côtés représentent très probablement des témoins de la transaction.

Outre leur importance pour la compréhension du développement de l'écriture, ces documents fonciers anciens prouvent que la terre pouvait être une propriété privée dans la Mésopotamie primitive, même si une part importante appartenait encore aux dieux et était gérée par leurs temples. Si cette évolution n'est pas surprenante d'un point de vue moderne, elle représente dans l'Antiquité un changement conceptuel et culturel capital.


Tête de haut personnage au turban

Presque unique parmi les vestiges conservés de la grande statuaire métallique cette tête grandeur nature aux traits réalistes représente sans doute un haut personnage. Ses traits, l’originalité de son turban et la quantité de métal employée pour cette fonte ont longtemps laissé penser que cette tête viendrait d’Iran occidental, une zone riche en cuivre. Cependant, elle serait plutôt mésopotamienne au vu d’un fragment de turban identique, trouvé en fouilles à Tello, tout en rappelant les liens forts entre ces deux zones. Ce fragment en pierre, bien daté autour du 22° siècle avant J.-C., permet de mieux dater la tête en cuivre. Elle est présentée à proximité de la statuette du prince Ur-Ningirsu II de Lagash, partagée entre le Louvre (corps) et le Metropolitan Museum of Art (tête), qui est à Paris jusqu’à la réouverture des salles new-yorkaises.


La cachette dite « de Dilbat »: pendentifs pour colliers, séries de perles, sceaux-cylindres, capuchons et produits de bijoutiers non finis:

Provenant de la région de Babylone, ces objets devaient appartenir à un ensemble plus important, enterré dans une jarre, selon une tradition bien connue en Mésopotamie. Longtemps présenté comme un collier, l’ensemble est montré ici tel qu’il aurait été caché. Certains de ces objets font référence à des divinités mésopotamiennes : les médaillons à rosettes évoquent probablement Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre, le médaillon à sept rayons symbolise le dieu-Soleil Shamash, la pendeloque en forme de foudre représente Adad, dieu de l’orage et de la fertilité, et celle en forme de croissant, Sîn, le dieu-Lune. Les deux figures
féminines représentent probablement Lama, une divinité protectrice de rang mineur, et font écho à une paire de pendeloques en or pratiquement identiques exposées dans une vitrine à proximité.


Taureau sauvage agenouillé tenant un vase à bec

Peu après les transformations politiques de la période d’Uruk dans le sud de la Mésopotamie, des innovations similaires – notamment l’écriture et les sceaux cylindriques, la production en masse de céramiques standardisées et un style d’art figuratif – se sont développées autour de la ville de Suse dans le sud-ouest de l’Iran, une région où la langue prédominante était l’élamite. Si la plupart de ces innovations ont été adaptées d’exemples mésopotamiens, elles ont toutes adopté des caractéristiques élamites distinctives en Iran.
Ce petit taureau en argent, vêtu d’une robe décorée d’un motif à gradins et tenant un récipient à bec, présente un curieux mélange de traits humains et animaux. Le grand cou rencontre des épaules distinctement humaines, qui se rétrécissent en bras se terminant par des sabots. Les représentations d’animaux dans des postures humaines étaient courantes dans l’art proto-élamite, peut-être comme symboles des forces naturelles, mais tout aussi probables comme protagonistes de mythes ou de fables. La fonction de ce petit chef-d’œuvre reste incertaine. Des traces de tissu qui ont été trouvées fixées sur la figure suggèrent qu’elle a été intentionnellement enterrée, peut-être dans le cadre d’un rituel ou d’une cérémonie.


Tête de hache avec démon à double tête d’oiseau, sanglier et dragon

De la civilisation, de type proto-urbain, qui s’épanouit dans le bassin de l’Oxus (actuel Amou-Daria, qui traverse l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Tadjikistan et l’Afghanistan) entre 2200 et 1700, nous sont parvenues de nombreuses haches à collet, ornées ou non, dans des métaux plus ou moins précieux, souvent découvertes en contexte funéraire. Elles constituent des insignes de pouvoir, comme attesté dans le monde élamite (sud-ouest de l’Iran) par la bulle de scellement sur laquelle figure le fonctionnaire Kuk-Simut, recevant un tel insigne du roi de la dynastie de Shimashki Idadu II (vers 2000 - 1900). S’y déploie un bestiaire fantastique : fauves, rapaces, dragons, témoignant de l’univers symbolique de populations installées le long des routes commerciales reliant la vallée de l’Indus à la Mésopotamie au début du IIIème millénaire.

La hache conservée au Metropolitan Museum of Art de New York présente un génie bicéphale à têtes de rapace, représenté dans l’attitude du maître des animaux, dominant un dragon ailé au corps de lion et un sanglier dont l’échine forme la lame de la hache.


Gobelet à décor de rapaces


Clou de fondation en forme de lion

Après l'effondrement de l'empire d'Akkad et une brève période de pouvoir décentralisé, une dynastie régnant depuis la ville d'Ur, dans le sud de la Mésopotamie, s'empara d'une grande partie de la Mésopotamie, y compris des régions des monts Zagros en Iran, et régna pendant environ cent ans (2100-2000 av. J.-C.). Au cours de cette période, un certain nombre de dirigeants mineurs conservèrent leur indépendance aux marges de l'empire. Parmi eux se trouvaient les royaumes d'Urkish et de Nawar dans le nord de la Mésopotamie, une région de langue hourrite.
D'après son inscription, ce piquet de fondation en bronze en forme de lion grognant provient presque certainement de la ville d'Urkish, l'actuelle Tell Mozan. Sur une pièce très similaire aujourd'hui conservée au Louvre, le lion tient sous ses pattes une tablette de pierre blanche portant une inscription qui nomme le temple du dieu Nergal. Des piquets de cette forme et d'autres étaient placés dans des dépôts de fondation sous les murs des temples en guise de dédicace au dieu. Leur apparition dans le nord de la Mésopotamie représente l'adoption d'une pratique venue du sud.


Orthostate avec reliefs: figure assise avec une fleur de lotus

Ce bloc de basalte est un orthostate, une dalle décorée de reliefs. Il faisait partie d’une série de 240 dalles de basalte sombre et de calcaire clair qui embellissaient et protégeaient de la pluie et de l’érosion le soubassement de briques crues sur lequel était érigé le palais ouest de la ville araméenne de Guzana. Quatre reliefs du Louvre, exposés à proximité, appartiennent également à cette série. Les blocs en basalte (noirs) alternaient avec ceux en calcaire (blancs). 

Sur la face principale du bloc du Met, à gauche, un homme tient un lotus fané, représentation qui le désigne comme étant un souverain décédé et divinisé. Il est le garant, avec ses descendants, de l’ordre cosmique représenté sur la droite par deux hommes-taureaux soutenant, sur un piédestal, le disque solaire ailé. Sur le petit côté droit un guerrier armé d’une massue est vêtu d’une peau de bête.

Les blocs du Louvre permettent d’identifier quatre thématiques décoratives : la vie quotidienne est évoquée par la représentation d’une scène de culte, la conquête du pouvoir est illustrée par l’archer, la nature environnante par le lion et le monde surnaturel par le génie ailé. 


Rhyton à protomé de caracal

Les rhytons (vases à verser) en forme de corne à protomé (avant-train) d’animal sont caractéristiques des productions iraniennes au 1er siècle av. J.-C. Ils servaient durant des banquets pour verser le vin. Le caracal, une espèce locale de panthère, le lierre et la vigne étaient justement associés au dieu grec du vin Dionysos, dont le culte s’était largement répandu au Moyen-Orient après les conquêtes d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.). À la cour des rois ou des princes, les rhytons sont souvent réalisés en argent et sont l’occasion pour les métallurgistes de déployer toute leur virtuosité. Le réalisme et la pose de l’animal bondissant résultent ici de l’influence des œuvres grecques sur les productions iraniennes. Le Louvre possède également quelques rhytons, en argent ou en céramique pour les couches moins aisées de la société. 


Plat avec représentation du roi sassanide Yazdgird Ier tuant un cerf

Le vieux thème oriental du roi à la chasse est repris par les Perses de l’époque sassanide pour magnifier la valeur guerrière du souverain et son rôle symbolique dans le maintien du bon ordre du cosmos. Des attributs stéréotypés (auréole, rubans) permettent de reconnaître les rois sassanides, et une couronne composite différente était propre à chacun d’eux. La couronne crénelée munie du croissant de lune permet d’identifier ici Yazdgird Ier (399–420). De luxueux plats étaient fabriqués dans des ateliers royaux et offerts ensuite par les rois perses aux grands seigneurs ou aux souverains étrangers pour diffuser leur image. 

Dans les collections du Louvre, deux objets présentés dans cette salle en vitrine 5, témoignent également de la qualité de la production d’argenterie à cette époque. En particulier une bouteille et une coupe travaillées en argent et partiellement dorées. Ces pièces illustrent parfaitement l’excellence du travail des métaux précieux dans le monde iranien. Les représentations de danseuses dans un cadre d’éléments végétaux, comme le décor de la bouteille, sont courantes dans la vaisselle d’argent et illustrent l’art de vie raffiné des élites sassanides.


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