Le cairn de Barnenez, appelé Kerdi Bras en breton, d'une longueur de 75 m, ce cairn dolménique est constitué en réalité de deux cairns en pierres sèches accolés, qui recouvrent onze dolmens à couloir. Cet ensemble est le plus grand mausolée mégalithique après celui de Newgrange et, avec le cairn III de Guennoc, le plus vieux monument d’Europe.
La construction du cairn primaire témoigne en effet avec le tumulus Saint-Michel, qui est situé dans le Vannetais, et le site de Bougon, dans le Poitou, des débuts du mégalithisme atlantique. Elle a lieu vers 4 700 avant notre ère (dans l'intervalle entre 5 010 et 4 400 avant notre ère), soit quelque 2 100 ans avant la plus ancienne pyramide d'Égypte et environ 7 000 ans après les débuts de l'architecture domestique, qui ont été observés au Moyen-Orient chez les Natoufiens de Mallaha, 5 000 ans après l'érection du premier temple monumental en Anatolie et 3 600 ans après celle de la tour de Jéricho en Cisjordanie.
La construction du cairn secondaire, un agrandissement, commence vers 4 300, soit après la chute du Grand menhir, pour se terminer vers 4 200. Les vestiges d'un troisième cairn, Kerdi Bihan, plus petit et fortement endommagé, se trouvent à une centaine de mètres au nord-ouest de Kerdi Bras. Ils n'ont été fouillés qu'en partie. On y a découvert quelques restes d'un chien.
La mise en place d'une économie de production et la sédentarisation au Néolithique rendent possible l'apparition, dans la première moitié du Ve millénaire, de la grande architecture en matériaux durables. Il s'agit, dit Jean L'Helgouach, d'« un phénomène hors du commun ».
En Europe, on trouve des cairns principalement sur la façade maritime : certains liés à Barnenez, en Irlande, tel Newgrange, et en Grande Bretagne, mais aussi dans le nord du continent, en France (centre-ouest et midi) et dans la péninsule Ibérique. Ces monuments sont, dit Pierre-Roland Giot, « les témoins architecturaux d'une phase essentielle de la civilisation occidentale de l'Europe, à laquelle nous sommes redevables de plus d'héritages qu'on ne veut bien le dire ».
Giot trouve réducteur de considérer les cairns sous leur seul aspect fonctionnel de sépultures. Pour lui, ces monuments « démesurés et prestigieux » ont peut-être d'abord une « signification symbolique » envers le monde des morts et celui des vivants. Il est tenté de voir en eux des lieux de communion jouant un rôle social et religieux de tout premier plan.
Il est probable que les onze dolmens de Kerdi Bras, si différents les unes des autres, n'étaient pas des caveaux de famille juxtaposés et n'assumaient sans doute pas les mêmes fonctions : chacune aurait été conçue pour un emploi spécifique, pouvant dépasser de beaucoup un simple rôle funéraire ou cultuel.
Tous les dolmens à couloir d'Armorique étaient recouverts d'un cairn. Un cairn dolménique est un amoncellement de pierres contenues dans un parement, c'est-à-dire dans un appareil de moellons. Un cairn peut avoir plusieurs parements concentriques, de plus en plus bas à mesure qu'ils s'éloignent du centre, ce qui donne à l'édifice une silhouette étagée. Construit comme un épierrement à degrés, enserré dans des murs successifs, de hauteur d'homme, ses gradins, nécessaires à la construction elle-même du cairn, servaient probablement d'escalier-échafaudage, selon la méthode dite « d'accrétion-exhaussement » comme dans le système constructif des pyramides proposée par l'architecte Pierre Crozat.
Dans la construction de Kerdi Bras, la datation de certains dolmens par le carbone 14 (datation des charbons de bois découverts dans les sépultures), le nombre de parements ainsi que les matériaux utilisés pour ces parements incitent à distinguer deux grandes phases.
- La partie orientale (le « cairn primaire »), comportant cinq dolmens à couloir, est érigée aux alentours de 4700 avant notre ère. La métadolérite locale (dolérite métamorphisée) utilisée pour les deux parements lui donne une teinte sombre.
- À l'ouest, le « cairn secondaire », deux fois plus important en volume, comporte six dolmens à couloir : le plus ancien des dolmens datés (dolmen F) est construit vers 4300, le plus récent des dolmens datés (dolmen A) vers 4200. Les trois parements de la façade arrière ainsi que les deux parements les plus internes de la façade avant sont composés de blocs de métadolérite. Les parements les plus extérieurs de la façade avant sont constitués de granite : le bas de la façade avant a une teinte plus claire.
Les dates radiocarbone attestent bien l'antériorité du bloc primaire sur le secondaire, mais en raison des marges d'erreur, elles se recouvrent pour certains dolmens des deux sous-ensembles et affirment la rapidité des événements, la société néolithique de la zone de Barnenez ayant probablement jugé utile de posséder en même temps plusieurs chambres funéraires.
Le cairn a une forme allongée, ce qui est peu courant en Armorique, et n'existe ni en Irlande ni en Grande-Bretagne ni dans la péninsule Ibérique. Trapézoïdal, s'étirant en s'élargissant de l'est-nord-est à l'ouest-sud-ouest, il recouvre 11 dolmens à couloir ouvrant au sud-sud-est. Il est entièrement en pierre sèche, c'est-à-dire sans mortier.
Une fois terminé, le monument pouvait avoir une hauteur de 8 m. Au début des fouilles, éboulé, il est long de 95 à 90 m, pour une largeur maximale de 30 à 35 m et une hauteur de l'ordre de 5 m. Aujourd'hui restauré, il a une longueur de 75 m pour 28 m dans sa plus grande largeur, et une hauteur moyenne de 6 m. Pierre-Roland Giot estime son volume à quelque 2 000 m3 de pierres, ce qui représenterait environ 4 000 tonnes : 3 000 tonnes de dolérite extraite à 250 ou 500 m de là ; et 1 000 tonnes de granite rapporté d'un îlot voisin (l'île Stérec qui à l'époque était reliée au continent), à 1,1 (granite blanc) et 1,2 km (granite gris) à vol d'oiseau plus au nord, d'un gisement près de Keriou au sud-est de l'anse de Terenez à Plougasnou (granite albitique à 1,5 km), et d'une carrière sur l'estran de Saint-Samson à l'ouest de Plougasnou (leucogranite porphyroïde gris blanc à gros feldspath à 1,9 km). La construction du cairn aurait pu nécessiter de 150 000 à 200 000 heures de travail. Dans l'hypothèse improbable d'une édification en une seule campagne, 200 à 300 hommes travaillant 10 heures par jour auraient pu élever le monument en un trimestre.
En 1807, l'amas de pierres et de terre est cité dans le cadastre napoléonien, puis en 1850, lors d'une réunion scientifique, par le maire de la commune de Plouezoc'h. Ces signalements ne suffisent pas à protéger le monument. En novembre 1954, un entrepreneur de travaux publics outrage un premier cairn, Kerdi Bihan, long de 25 à 30 m, situé une centaine de mètres au nord-ouest de Kerdi Bras. Au printemps 1955, il ouvre une carrière et commence à détruire le grand cairn, éventrant les chambres A, B, C et D. Venu sur place pour Ouest-France, l'écrivain et journaliste Francis Gourvil alerte le préhistorien Pierre-Roland Giot, qui a dirigé l'année précédente la première campagne de fouilles du cairn de l'île Carn. Giot intervient auprès des autorités, qui font stopper les travaux. Puis il entame des fouilles en sauvetage qui vont s'échelonner jusqu'à 1968. En urgence, à sa demande, le 18 janvier 1956, le cairn fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques. De 1956 à 1968, il est consolidé et restauré. André Malraux le qualifie de « Parthénon mégalithique ».
Le monument a été restauré mais continue de faire l’objet d’études archéologiques passionnantes, dont les récentes découvertes ont concerné la présence de "peintures" sur les parois des passages intérieurs.
Visité en 2024.
Cairn de Barnénez, 29252 Plouezoc'h
Accès payant
Sources:
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